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La Vérité est au Milieu. Mais pas trop.

Mardi 16 août 2011 à 17:10

Pensées d'autrui

 124
Divertissement.
Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser.
Nonobstant ces misères il veut être heureux et ne veut être qu'heureux, et ne peut ne vouloir pas l'être.
Mais comment s'y prendra-t-il ? Il faudrait pour bien faire qu'il se rendît immortel, mais ne le pouvant il s'est avisé de s'empêcher d'y penser.

 129
Divertissement.
On charge les hommes dès l'enfance du soin de leur honneur, de leur bien, de leurs amis, et encore du bien et de l'honneur de leurs amis, on les accable d'affaires, de l'apprentissage des langues et d'exercices, et on leur fait entendre qu'ils ne sauraient être heureux sans que leur santé, leur honneur, leur fortune et celles de leurs amis soient en bon état, et qu'une seule chose qui manque les rendra malheureux. Ainsi on leur donne des charges et des affaires qui les font tracasser dès la pointe du jour.
- Voilà, direz-vous, une étrange manière de les rendre heureux ; que pourrait-on faire de mieux pour les rendre malheureux ?
- Comment ? Ce qu'on pourrait faire ? Il ne faudrait que leur ôter tous ces soins, car alors ils se verraient, ils penseraient à ce qu'ils sont, d'où ils viennent, où ils vont, et ainsi on ne peut trop les occuper et les détourner. Et c'est pourquoi, après leur avoir préparé tant d'affaires, s'ils ont quelque temps de relâche, on leur conseille de l'employer à se divertir, à jouer, et s'occuper toujours entiers.

Lundi 11 juillet 2011 à 22:22

Pensées d'autrui

 19
Si on est trop jeune, on ne juge pas bien, trop vieil de même.
Si on n'y songe pas assez... Si on y songe trop, on s'entête et on s'en coiffe.

Si on considère son ouvrage incontinent après l'avoir fait, on en est encore tout prévenu : si trop longtemps après, on n'y entre plus.

Ainsi les tableaux vus de trop loin et de trop près. Et il n'y a qu'on point indivisible qui soit le véritable lieu, les autres sont trop près , trop loin, trop haut ou trop bas. La perspective l'assigne dans l'art de la peinture. Mais dans la vérité et la morale, qui l'assignera ?

38
Deux infinis, milieu.
Quand on lit trop vite ou quand on lit trop doucement, on n'y entend rien.

43
Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l'arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent d'ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige, et s'il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.
Que chacun examine ses pensées. Il les trouvera toutes occupées au passé ou à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens, le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre. Et nous disposant toujours à être heureux il est inévitable que nous ne le soyons jamais.




Non, tout ceci n'est pas de moi, bien sûr, mais puisque de telles pensées ont été si bien formulées il y a quatre cent cinquante ans, je tenais à les offrir telles qu'elles étaient alors, même si la syntaxe ardue freinera trop certainement les curiosités les plus légères.

D'autres Fragments des Pensées suivront dans ce blog, peut-être même d'autres citations couragicides mais réflexiogènes.

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